Mardi 19 novembre 2024 – 13 h à 16 h 30
Acquérir une compréhension fine et détaillée des différents composants des écosystèmes forestiers est crucial pour cibler les enjeux susceptibles d’influencer l’aménagement de la forêt sous un climat futur. Ce rendez-vous présentera sept projets qui visent la conception d’outils technologiques permettant de réduire les coûts d’acquisition de données tout en rehaussant la qualité et la précision des différentes informations utilisées pour la gestion forestière. Il sera question : 1) de quantifier et d’analyser l’évolution de la défoliation des arbres dans le temps et d’identifier les facteurs environnementaux qui influencent ce phénomène; 2) d’identifier, à fine échelle de résolution spatiale, les secteurs les plus susceptibles d’abriter des arbres à cavités pour le Grand Pic; 3) de raffiner l’identification et la caractérisation des vieilles forêts; 4) de faire un meilleur suivi de la régénération après perturbation; 5) de modéliser l’ouverture des bourgeons des conifères boréaux et le synchronisme hôte-insecte dans le contexte de la lutte contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE); 6) de concevoir des modèles d’apprentissage automatique pour prédire la propagation future de la TBE; et 7) de détecter plus efficacement des espèces exotiques en optimisant le placement des pièges dans les corridors reliant plusieurs habitats.
Les présentations des conférences se trouvent dans l’ordre du jour ci-dessous.
13 h Mot d’ouverture
Conférencière : Véronique Leclerc, cheffe de service, Direction de la recherche forestière, ministère des Ressources naturelles et des Forêts
13 h 10 De l’arbre au pixel : quantifier l’évolution de la défoliation avec l’intelligence artificielle et la télédétection
Conférencier : Guillaume Drolet, chercheur, Direction de la recherche forestière, ministère des Ressources naturelles et des Forêts
Collaborateurs : Jean-Daniel Sylvain (MRNF) et Michaël Prince (MRNF)
La défoliation peut être causée par des perturbations majeures, comme les épidémies d’insectes, ou par des facteurs plus subtils, comme le stress lié à des changements environnementaux. Dans cette présentation, nous expliquerons comment l’intelligence artificielle peut être combinée à des photos aériennes, à des données du LiDAR aéroporté et à de l’imagerie satellitaire pour concevoir des outils visant à quantifier et à analyser l’évolution de la défoliation dans le temps. Ces outils permettront d’étudier, de comprendre et de prédire l’évolution spatiale de la défoliation et d’identifier les facteurs environnementaux qui influencent ce phénomène, qu’ils soient soudains ou progressifs.
13 h 35 Modélisation à fine résolution de la qualité de l’habitat de nidification du Grand Pic à l’aide des données LiDAR en forêt boréale mixte
Conférencier : Pierre Drapeau, professeur titulaire, Département des sciences biologiques, Université du Québec à Montréal (UQAM), Chaire UQAT-UQAM en aménagement forestier durable, Centre d’étude de la forêt
Collaborateurs : Julien Bilodeau-Colbert (UQAM), Maxence Martin (UQAT) et Osvaldo Valeria (UQAT)
En 2022, la protection intégrale des nids de Grand Pic a été ajoutée à l’annexe 1 du Règlement sur les oiseaux migrateurs du gouvernement du Canada. Le Grand Pic excave annuellement son nid dans le tronc des arbres, laissant les anciennes cavités disponibles pour la nidification d’une multitude d’espèces animales incapables d’excaver leur propre cavité. Cet effet direct sur la biodiversité lui vaut d’ailleurs le statut d’espèce clé de voûte. Nous avons utilisé les données des arbres de nidification du Grand Pic répertoriées depuis 2004 en forêt boréale mixte pour concevoir, à l’aide de données LIDAR, un modèle matriciel à fine échelle de résolution spatiale qui permet d’identifier les secteurs les plus susceptibles d’abriter des arbres à cavités pour cette espèce. Par rapport aux cartes écoforestières, notre modèle a permis de détecter plus finement les sous-secteurs les plus susceptibles d’offrir des arbres à cavités (peupliers faux-trembles de plus de 25 mètres avec houppier dense et arrondi) pour le Grand Pic. Ce modèle représente un outil utile pour les aménagistes forestiers dans la planification de la rétention de forêts résiduelles des agglomérations de coupes pour répondre aux exigences de la nouvelle réglementation sur le Grand Pic, mais, plus globalement, pour préserver des habitats clés pour le maintien de la biodiversité alors que la faune cavicole représente plus de 20 % des vertébrés vivant en forêt.
14 h Identifier et caractériser les vieilles forêts boréales du Québec avec le LiDAR aéroporté
Conférencier : Maxence Martin, professeur, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Collaborateur : Osvaldo Valeria (UQAT)
Les vieilles forêts sont reconnues pour fournir des habitats et des services écosystémiques clés, souvent absents dans les forêts plus jeunes ou aménagées. Cette valeur repose en grande partie sur leur diversité de structure et de composition, façonnée par des historiques de perturbations naturelles variés. Ces forêts dominaient les paysages industriels du Québec, et le maintien tant de leur fonction que de leur diversité est un facteur clé du succès de l’aménagement forestier écosystémique.
Les données d’inventaires écoforestiers présentent toutefois un portrait extrêmement simplifié des vieilles forêts boréales. Ce manque de détails empêche actuellement la réalisation d’un aménagement forestier capable de répondre efficacement aux objectifs de développement durable du Québec. Nos recherches démontrent que la technologie LiDAR aéroporté peut grandement affiner notre vision des vieilles forêts. Un premier projet a réalisé avec succès la discrimination de différentes structures de vieilles forêts originaires d’historiques de perturbations (feu, tordeuse des bourgeons de l’épinette) dans la sapinière à bouleau blanc. Un second projet a quant à lui permis d’identifier les très vieilles forêts (>200 ans) dans la pessière à mousses. Plusieurs autres projets de recherche sont en cours pour encore améliorer et étendre la portée de ces modèles. Ces différents outils cartographiques permettront ainsi d’améliorer l’intégration des vieilles forêts dans l’aménagement écosystémique.
14 h 25 Pause 15 minutes
14 h 40 Utilisation des données de type « science citoyenne » pour réduire le besoin en annotation des images de drones haute résolution, pour des zones de régénération
Conférencier : Philippe Giguère, professeur titulaire, Département d’informatique et de génie logiciel, Université Laval (ULaval)
Collaborateurs et collaboratrice : Kamyar Nasiri (ULaval), William Guimont-Martin (ULaval), Damien Larocque (ULaval), Hugo Bellemare-Vallières (ULaval), Vincent Grondin (ULaval), Philippe Bournival (MRNF), Julie Lessard (MRNF), Guillaume Drolet (MRNF) et Jean-Daniel Sylvain (MRNF)
La capacité à faire un suivi des forêts postperturbation est un élément important pour assurer leur bonne régénération. Or, mettre en place ce genre de diagnostic basé sur des images photo-interprétées par intelligence artificielle est problématique, car cette dernière nécessite au préalable de grandes quantités de données annotées à la main. Afin de réduire cette dépendance coûteuse, nous exploitons les données de science citoyenne comme iNaturalist. Nous démontrons qu’il est possible d’entraîner un classificateur sur ces données citoyennes afin de générer automatiquement des pseudo-étiquettes sur des images de drones à très basse altitude. À l’aide d’une fenêtre coulissante, une petite rognure de l’image de drone est classée automatiquement, ce qui permet d’obtenir un masque grossier de segmentation. Ces masques constituent les pseudo-étiquettes servant à préentraîner un réseau de segmentation sémantique moderne. En entraînant un tel réseau qui inclut 140 000 images provenant de sept sites distincts et annotées automatiquement, nous obtenons un score F1 de 43,8 % sur 26 classes. Par comparaison, entraîner le même réseau sur 71 images annotées à la main ne donne qu’un score F1 de 26,8 %. De surcroît, le réglage fin du réseau préentraîné comprenant ces 71 images annotées à la main ne fait qu’ajouter 1,7 % au score F1, ce qui démontre la très grande qualité des pseudo-étiquettes. Notre approche peut aisément passer à une plus grande échelle ne montrant aucun signe de saturation à 140 000 images.
15 h 05 Modélisation de l’ouverture des bourgeons des conifères boréaux et synchronisme hôte-insecte dans le contexte de la lutte contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette
Conférencière : Valérie Néron, professionnelle de la recherche, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Collaborateurs et collaboratrices : Annie Deslauriers (UQAC), Lorena Balducci, (UQAC et MRNF), Emma Despland (Université de Concordia), Richard Berthiaume (Société de protection des forêts contre les insectes et maladies (SOPFIM)), Fabrizio Cartenì (Université de Naples Federico II) et Stefano Mazzoleni (Université de Naples Federico II)
Une application Web intégrant le modèle de phénologie des bourgeons des conifères boréaux, PhenoCaB, a été conçue pour soutenir la planification des activités des organismes de lutte contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette. La conception de cette application s’est déroulée selon un processus de conception itératif débutant par la définition de l’idée initiale, suivi de l’intégration des principales fonctionnalités, puis de la création d’une première version fonctionnelle, en partenariat étroit avec la SOPFIM et Pulsar Informatique. Une phase de test a ensuite été menée durant la période d’arrosage de la SOPFIM à l’été 2024 pour évaluer l’efficacité de l’application en conditions réelles. En plus du modèle de prédiction de la phénologie des bourgeons, un modèle de développement des larves de tordeuse, BioSim 11, est également disponible pour la SOPFIM. Cependant, ces deux outils ne prennent pas en compte les interactions entre la phénologie de l’hôte (modélisée par PhenoCaB) et celle de l’insecte (modélisée par BioSim 11), ce qui limite leur portée d’utilisation. C’est pourquoi des travaux sont en cours pour élaborer un modèle nutritionnel de développement des larves, destiné à être jumelé à PhenoCaB. Les fondements de ce nouveau modèle reposent sur des principes liés au transfert de matière, à la croissance en interaction avec la plante hôte ainsi qu’aux transformations morphologiques de la larve à travers ses différents stades de développement.
15 h 30 Développement d’outils d’aide à la décision pour la planification de la récupération des bois et des méthodes de mitigation des impacts de l’épidémie de la TBE
Conférencière : Fadwa Maslouhi, étudiante au doctorat, Département de génie des systèmes, École de technologie supérieure (ETS)
Collaborateurs : Mustapha Ouhimmou (ETS), Julio Montecinos (ETS) et Mikael Rönnqvist (ULaval)
La tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) constitue une menace majeure pour les forêts boréales de l’Est du Canada puisqu’elle cause une défoliation significative et la mortalité des peuplements. Au Québec, l’épidémie progresse rapidement, ce qui nécessite des interventions efficaces et rapides. Pour relever ce défi, nous proposons des modèles d’apprentissage automatique pour prédire la propagation future de la TBE. Ces modèles tiennent compte des caractéristiques des peuplements forestiers, des conditions climatiques et de l’historique des infestations. Un aspect essentiel de notre approche est l’intégration des opérations de traitement par pulvérisation de l’insecticide Btk menées par la SOPFIM, ce qui permet de quantifier l’incidence de ces interventions sur la dynamique de la population de la TBE. Ainsi, en tenant compte de l’effet de la pulvérisation, nous calculons les matrices de probabilités de transition entre différents niveaux de défoliation. Cette analyse est complétée par la création de modèles mathématiques d’optimisation. L’objectif ultime est de fournir des outils robustes pour une planification efficace des récoltes préventives, de la récupération du bois et des stratégies de lutte. Les résultats préliminaires montrent une efficacité notable de la pulvérisation dans les peuplements fortement infestés et soulignent l’importance de l’utilisation des modèles prédictifs pour mieux comprendre l’évolution spatiotemporelle de la TBE.
15 h 55 Synthèse de la rencontre
Conférencier : Osvaldo Valeria, professeur, codirecteur de la Forêt d'enseignement et de recherche du lac Duparquet et titulaire de la Chaire institutionnelle UQAT-UQAM en aménagement forestier durable, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
* Le contenu des présentations des conférenciers et des conférencières n’engage qu’eux et qu’elles.